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Numerus clausus : plus facile d'être MG pour les étrangers
Numerus clausus : plus facile d'être MG pour
les étrangers
Système de santé par Laure Martin le 15-01-201422 réaction(s)
Les médecins à diplôme étranger sont de plus en plus nombreux à exercer en France. Et les
médecins généralistes français peinent parfois à obtenir la reconnaissance de leur spécialité.
En
2014, la régulation démographique a des ratés."Je me retrouve parfois dans une situation schizophrénique" , témoigne le
Dr Pierre Lévy, secrétaire général de la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf). Le généraliste est membre d?une
commission d?autorisation d?exercice des médecins généralistes à diplôme étranger en France, et d?une commission d?appel de qualification des médecins généralistes. Avec cette double casquette, Pierre Lévy constate qu?il est souvent plus facile pour les médecins à diplôme étranger d?obtenir la possibilité
d?exercer en France en tant que spécialiste de médecine générale que pour les médecins généralistes
français diplômés avant 2007 d?obtenir la reconnaissance de leur spécialité.
Deux poids deux mesures ?
"D?après les remontées des médecins membres des commissions, il existe deux poids, deux
mesures entre les médecins à diplôme français et les médecins à diplôme étranger"
, explique le Dr Michel Chassang, président de la Csmf. Pour les diplômés étrangers, les commissions
deviennent généralement de simples chambres d?enregistrement des diplômes, car il existe des accords
entre les pays. Les textes de régulation sont beaucoup plus souples et laxistes pour les médecins à diplôme
étranger que pour les diplômés français, car cette problématique est assimilée à une question de politique
d?immigration, et n?est pas purement médicale et scientifique.
"Les représentants des commissions nous ont avertis de cette iniquité de traitement des dossiers,
ajoute le Dr Roger Rua, président du Syndicat des médecins libéraux (SML).
Mais on ne pensait pas que l?effet numérique serait aussi important."
"Il arrive que des médecins à diplôme étranger qui ont déjà eu une expérience en France comme
praticien adjoint contractuel, en tant qu?urgentiste par exemple, fassent une demande de
légales de durée de leur contrat" , rapporte le Dr Lévy. Comme généralement il s?agit soit de
médecins membres de l?UE, soit de médecins hors UE qui sont parvenus à intégrer la filière européenne
en passant par des pays ayant des critères de qualification plus souples comme l?Espagne ou l?Italie, la
France n?a pas d?autre choix que de les autoriser à exercer, car ils entrent...[pagebreak]
dans le cadre de la directive européenne qualification de 2005. "Le médecin à diplôme étranger qui a
obtenu la qualification de spécialiste en médecine générale peut continuer d?exercer à l?hôpital,
mais rien ne l?empêche de s?installer en libéral où il se retrouve seul, sans la hiérarchie
hospitalière,souligne le Dr Lévy. Or ce n?est pas parce qu?il est un bon urgentiste qu?il réunit les
compétences pour être médecin généraliste en libéral. Il y a des pays comme la Roumanie où la
formation de médecin généraliste se fait en six ans alors qu?en France elle est de dix ans. Mais
nous n?avons aucun contrôle, alors que la sécurité du patient est en jeu."
"Il faut mettre un terme au double discours de la France"
Pour les médecins hors UE, la problématique est similaire. "Il s?agit d?une équation à plusieurs
inconnues, et nous ne pouvons que difficilement évaluer leurs compétences, car nous ne
connaissons ni leur niveau de formation initiale, ni la façon dont ils ont exercé leur métier dans leur
pays d?origine, ni les critères sur lesquels se sont fondés les autres pays pour reconnaître leurs
spécialités", regrette le Dr Lévy. Lorsque les membres de la commission d?autorisation d?exercice
estiment que le dossier d?un candidat n?est pas assez solide, ils peuvent proposer au médecin soit un
examen écrit, soit des mesures compensatoires sous la forme de stages pouvant aller jusqu?à trois ans. Il
doit donc réussir l?examen ou présenter le certificat d?évaluation du stage signé par le chef de clinique.
S?il remplit les conditions, la commission lui donne alors un avis favorable à la reconnaissance de sa
spécialité.
Le Dr Jamil Amhis, président de la Fédération des praticiens de santé (FPS), syndicat représentant les
praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), et également membre d?une commission
d?autorisation d?exercice des médecins généralistes à diplôme étranger en France, apporte un point de
vue plus modéré, indiquant que la reconnaissance de la spécialité est loin d?être systématique : "Si
les dossiers des médecins à diplôme étranger ne sont pas bons, on leur donne un sursis à statuer,
des recommandations, et si malgré tout ils ne remplissent pas les conditions leur dossier est
rejeté." Et d?ajouter :"Ce qui agace les médecins français, c?est que ceux à diplôme étranger passent
au travers des mailles du filet du numerus clausus. Mais le système est comme cela, c?est un
acquis. Et puis il faut mettre un terme au double discours de la France qui, d?un côté, fait appel aux
médecins à diplôme étranger pour le fonctionnement des hôpitaux manquant de praticiens et qui, de
l?autre, veut qu?ils restent au bord de la route."
Le Dr Patrick Bouet, président du Conseil national de l?Ordre des médecins (Cnom), explique quant à lui
que la qualification des médecins...[pagebreak]
à diplôme étranger relève du domaine de compétence de l?Ordre. "Sur ces sujets, il y a toujours des
fantasmes,indique-t-il.Or nous sommes aujourd?hui dans une procédure de qualification très
stricte et codifiée qui répond à des exigences réglementaires et d?équivalences n?ayant pas de
caractère laxiste, générant des refus de spécialisation tout aussi douloureux pour les médecins
français que pour ceux à diplôme étranger. On travaille avec la Direction générale de l?offre de soins
pour ne pas introduire une certaine volatilité et veiller à ce que la réglementation d?application
permette de conserver la rigueur française.
"
La libre circulation des travailleurs est un des fondements de la construction européenne
"La formation de base entre tous les États membres de l?UE est reconnue , souligne Nora Berra,
députée européenne (UMP) et ancienne secrétaire d?État à la Santé. Ensuite, il appartient à l?État de dire
si les professionnels en question doivent acquérir des compétences supplémentaires. Certes,
des médecins à diplôme étranger viennent exercer en France, mais tout comme des médecins
français partent exercer dans le reste de l?UE. Donc soit on se donne les moyens de reconnaître les
compétences des professionnels, soit on remet en cause le principe même de libre circulation
des travailleurs, qui est un des fondements de la construction européenne. L?harmonisation des
formations et des références dans l?UE s?est faite par le haut, notamment à la demande de la
France. Nous devons désormais faire confiance à l?État pour qu?il garantisse le respect de ces
critères."
De leur côté, les médecins français diplômés avant la reconnaissance de la spécialité de médecine
générale en 2007 doivent demander à une commission départementale ordinale la reconnaissance de
cette spécialité. Elle se fonde sur les critères internationaux de l?Organisation mondiale des médecins
généralistes (Wonca), exigés par le Collège national des généralistes enseignants (Cnge) et appliqués
par le Cnom. Ceux qui ne remplissent pas les critères se voient refuser la spécialité, un refus qui touche
souvent les médecins à expertises particulières.
Si l?on prend l?exemple de l?urgentiste diplômé en France avant 2007, la commission de qualification va
s?assurer de sa polyvalence et lui demander s?il est médecin traitant, s?il prend en charge des personnes
âgées,...[pagebreak]
des femmes enceintes, s?il assure leur suivi au long court, etc."Comme généralement il va répondre
non, alors il ne satisfait pas aux critères de la Wonca, et ne peut donc pas obtenir la spécialité ,
constate le Dr Lévy. Et contrairement aux médecins à diplôme étranger, il ne va pas pouvoir
bénéficier de mesures compensatoires. Il n?y a donc pas le même traitement entre les deux
médecins." Et de poursuivre : "Les membres du Cnge restent crispés sur ces critères, je peux le
comprendre, car ils veulent maintenir la spécialité de médecine générale à un haut niveau de
formation, mais c?est parfois incohérent. Quand on est face à des médecins généralistes français
qui ont vingt ans d?expérience à qui nous sommes contraints de dire qu?ils ne répondent pas aux
critères, c?est une situation difficile à vivre pour eux. Nous pensons qu?il faut élargir les critères et
traiter au cas par cas."
"On ne peut pas donner la spécialité à des médecins qui n?ont pas les qualifications requises"
Actuellement, dans les faits, la non-obtention de la spécialité ne change pas grand-chose. "Mais qu?en
sera-t-il plus tard ?se demande le Dr Lévy. Lors de la prochaine convention ? D?ailleurs
actuellement, les médecins généralistes non spécialistes ne peuvent pas appliquer le C2. C?est
un vrai problème."
Le Pr Serge Gilberg, membre du conseil scientifique et du conseil d?administration du Cnge et directeur
du département de médecine générale de l?université Paris-Descartes, justifie l?existence de ces
critères en expliquant qu?un "diplôme a valeur de permis d?exercice ; il s?agit d?une responsabilité
sociétale, on ne peut pas donner la spécialité à des médecins qui n?ont pas les qualifications
requises d?autant plus que, parmi ceux qui l?exigent, il y a des médecins qui n?ont pas pratiqué
la médecine générale depuis trente ans et qui n?ont pas la même formation que les médecins
d?aujourd?hui. Les médecins à diplôme étranger sont eux aussi concernés, puisqu?on leur
demande une remise à niveau." Cependant, des réunions se dérouleraient actuellement entre les
membres des commissions, le Cnom et le Cnge dans le but de faire évoluer les critères de qualification audelà des critères de la Wonca.
Outre ce constat, tous s?entendent pour dire que la problématique est plus large et touche à la question du
numerus clausus. "Si l?on fait appel à des médecins à diplôme étranger, alors est-il logique que l?on
limite autant l?ouverture de la première année de médecine et les spécialités ?", se demande le
pharmacien Philippe Gaertner, président du Centre national des professions de santé (Cnps). Si les
étudiants français partent...[pagebreak]
faire leurs études dans un autre pays de l?UE, "ce n?est pas uniquement parce que le concours
d?entrée est plus facile mais aussi parce qu?ils peuvent ensuite s?insérer dans la voie
européenne et bénéficier de l?équivalence automatique, et là-dessus nous n?avons aucun contrôle"
, rapporte le Dr Rua. Et il précise : "Certes, la loi européenne permet cette libre circulation, mais il
faudrait que les critères de qualité soient les mêmes pour tous les médecins. Mais dès qu?on se
rapproche du dialogue sur l?immigration, on est diabolisé, taxé de racisme ".
"Ce sujet est très sensible, car on peut rapidement être accusé de xénophobie", confirme le Dr
Levy. Le Cnom estime quant à lui que le numerus clausus doit être repensé, car la France est confrontée à
trois flux, avec des jeunes nationaux qui passent par une sélection très sévère, des étudiants qui
contournent le numerus clausus en allant faire leurs études dans un autre pays de l?UE et qui ensuite
réintègrent le cursus français, et enfin les médecins à diplôme étranger. "On peut se demander si ce mode
de fonctionnement est adapté, explique le Dr Bouet. Il s?agit d?une question de nature politique. "
D?après le Dr Gaertner, il est prioritaire de"s?interroger sur cette logique de flux, car cette
problématique récente prend de l?ampleur dans le milieu médical et on ne peut pas laisser cela
en suspens".
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